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Edito Rosa "Nos âmes à choyer" - Septembre 2023

Bonjour à vous,

Au printemps dernier, j’ai perdu une amie. Cela a été très douloureux et soudain, comme un couteau en plein cœur. Elle était jeune, magnifique, généreuse et très brillante. Mais aussi, atteinte d’une bipolarité sévère, qu’elle subissait avec une lucidité incroyable lors de ses phases dépressives.

C’était aussi une très bonne cliente de la librairie et c’est d’ailleurs là que je l’ai rencontrée. On avait tissé un lien fort en 1 an et demi, elle m’appelait sa maman de cœur et par extension, elle était ma fille de cœur. On adorait parler littérature, elle avait le goût des mots, de la poésie, de la beauté. La littérature russe, c’est ce qu’elle adorait par-dessus tout et cette langue qu’elle apprenait, un autre point en commun qui nous a unies. Elle m’a offert son livre préféré juste avant de mourir : Dieu, le temps, les hommes et les anges d’Olga Tokarzuk, autrice polonaise, prix Nobel de la littérature que je n’avais encore jamais lue. J’avais besoin d’un espace pour m’y plonger et j’ai savouré chaque mot de ce joyau de la littérature cet été. 

Pourquoi je choisis de vous parler de mon amie et de son départ ?

Parce que la bipolarité intègre ma vie progressivement. Je ne suis pas concernée mais j’ai de plus en plus de personnes atteintes dans mon entourage et parfois très proche. Ce qui me fait beaucoup réfléchir, c’est comment être une bonne accompagnante pour ces personnes atteintes du trouble bipolaire dans la vie de tous les jours ? Car, j’avoue que parfois, je n’ai pas les outils, je ne sais pas quoi faire quand mon ami.e est en phase dépressive silencieuse et qu’iel ne veut plus voir personne. On m’a toujours dit que j’étais une bonne amie parce que j’avais une capacité d’écoute de qualité et je m’y suis armée pour prêter mon oreille à toutes les personnes voulant se confier un jour à moi. Écouter est le meilleur moyen pour moi de réduire un peu la souffrance d’autrui. Mais que faire quand je suis privée de cette compétence ? Évidemment, je respecte et laisse la personne en paix mais mon syndrome de l’infirmière et l’envie d’être l’amie parfaite me laissent frustrée et démunie.

Il parait que la santé mentale était le sujet « tendance » de 2023, surtout à des fins commerciales. Moi, je le vois surtout comme un handicap invisible qui touche de plus en plus de monde sur cette planète. Car comment avoir l’esprit sain dans une maison qui brûle ? Je ne vais pas vous faire la liste des causes qui provoquent des troubles mentaux en 2023 mais sachez que la santé mentale, c’est par exemple la bipolarité dont était atteinte mon amie mais aussi, la dépression, l’eco-anxiété, le choc post-traumatique (viol, agression, harcèlement, etc.), le burn-out, troubles d’attention ou d’hyperactivité, etc. En gros, cela touche tout le monde et surtout de manière plus répandue. 

Dans son dernier roman Pauvre Folle, Chloé Delaume livre un très beau chapitre sur la bipolarité de son héroïne, Clotilde (mais c’est largement inspiré de son propre vécu, comme tous ses romans). Voici un extrait : « Les troubles psychiques sont synonymes de la maladie mentale, or une société qui se veut performante n’a pas à s’encombrer de membres défaillants, de handicaps si sournois qu’ils peuvent être invisibles. Ici, chacun se doit d’être efficace, pragmatique, positif ? Les fous ne servent à rien, si ce n’est à douter de la réalité, et tous les dépressifs devraient faire un effort ».

J'ai été très étonnée de ne pas avoir entendu une seule fois dans les débats autour de la réforme de retraite évoquer la question de la santé mentale. Pour moi, c’est un angle mort. Car peut-être vit-on aujourd'hui plus longtemps mais on va surtout de moins en moins bien. L’âme du monde est en souffrance.

Bref, vous l'aurez compris, le sujet de la santé mentale me travaille beaucoup.

L'amie dont je vous parle était aussi une excellente romancière en devenir. Elle a partagé son premier manuscrit avec moi et l’a envoyé à différentes maisons d'édition. L’une d’elles a accepté de la publier, c’était une incroyable bonne nouvelle et je me réjouissais pour elle. Malheureusement, cela n’a pas suffi pour la garder en vie. Son seul et unique roman posthume sort d’ici la fin d’année. C’est sans dire que sa parution sera chargée en émotions pour moi et je partagerai certainement avec vous des morceaux de cette histoire.

En attendant, j’ai voulu lancer des cercles de paroles autour de la santé mentale à la librairie. Car je me répète mais je crois beaucoup à la magie du groupe de personnes qui s’écoutent. On devrait d’ailleurs les appeler cercles d’écoute, plus que de parole, car on passe souvent 90% du temps à écouter et non pas à parler. Ces cercles seront animés par Dune Gayet, psychologue clinicienne et comédienne. Le premier aura lieu le 30 septembre prochain et aura pour le thème la définition même de la santé mentale. Vous trouverez plus d’informations et la possibilité de vous inscrire sur notre Eventbrite ici.

Je vous laisse avec une magnifique phrase de Diaty Diallo (autrice du roman Deux secondes d’air qui brûle, paru aux éditions Seuil en 2022 et sorti en poche aux éditions Points le 18 août 2023 et qui traite de la question des violences policières) qui est aussi reprise dans son excellent article « Les âmes vivantes » écrit pour le dernier numéro de la revue Déferlante consacrée au thème de « HABITER » : « Tu peux loger une personne quelque part en toi. Ta présence peut faire maison »

Bonne rentrée à toustes et soyez une maison pour les gens que vous aimez.

Rosa 💜


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